jeudi 4 février 2010

Mi-laine mi-coton





Elle était aussi grande que moi et je ne sais pourquoi elle s'appelait "la grande Cathy", ou peut-être "la Katouche". Mon souvenir est imprécis parce que je ne l'ai jamais vraiment adoptée. Pourtant, elle avait été conçue pour me ressembler. Elle avait deux longues tresses serrées par des rubans assortis à sa robe, taillée dans le même tissu que celle que j'avais portée pour le Noël de mes quatre ans, avec un grand col en dentelle. Elle avait les yeux verts et des bras presque plus longs que les miens, des sous-vêtements en broderie anglaise et des chaussures en feutrine fermées par un petit bouton au dos rond. Ses mains ressemblaient à des moufles et elle ses jambes étaient très fines. Parfois, je la prenais dans mes bras pour valser avec elle sur le disque de Strauss sur la pochette duquel je détaillais la photo d'un bal dans un palais viennois, avec des centaines de belles dames aux chignons soignés et aux bijoux somptueux. Et puis je la reposais dans un coin, sans savoir comment jouer avec elle, sans vraiment la trouver jolie. Elle plaisait à mes amies, sans doute en raison de sa grande taille qui s'approchait de la nôtre. C'est au travers du regard des autres que j'ai découvert la fierté de pouvoir dire que c'était ma grand-mère qui l'avait faite pour moi, qu'elle l'avait créée de toutes pièces... oui, même les petites chaussures et les yeux verts brodés symétriquement. C'est grâce à leurs yeux que j'ai regardé les ouvrages autrement, mesurant autant le travail que ma chance, moi qui n'avais qu'à émettre un souhait, décrire la robe que j'avais rêvée et puis choisir dans les piles de tissus...
En m'appliquant à broder les yeux bleus de la poupée à qui je venais de donner un corps, j'ai pensé à la petite fille qui la découvrirait bientôt, sans réaliser qu'elle tiendrait sous ses doigts juste un peu de jersey de coton et de la laine de mouton qui sent un peu l'animal quand on s'en approche vraiment. Elle ne verrait pas les heures passées à préparer la chevelure et à modeler le visage, cherchant la bonne largeur pour la bouche et la bonne hauteur pour les yeux... Les enfants m'ont demandé si c'était pour eux ou pour moi, visiblement étonnés que je puisse me séparer de ces poupées auxquelles je m'attache en prenant soin d'elles, à ma façon, retouchant un peu l'oeil droit ou en ajoutant quelques mèches de cheveux, recommençant les tresses autant de fois qu'il le faut pour avoir un résultat qui me satisfait. Ils trouvent cela tout naturel mais découvrent aussi cette petite fierté né du regard d'autrui en réalisant que toutes les mamans ne peuvent pas faire ce que les mains de la leur exécutent...
Les poupées sont terminées, toutes les deux habillées de neuf. Elles partiront vers les petites mamans qui les attendent, qui ont peut-être choisi les prénoms que j'ignore encore mais que je broderai sur les sacs dans lesquels je les rangerai pour l'envoi. Pour le moment, elles se serrent l'une contre l'autre, se promenant du canapé aux petites chaises en osier et terminant souvent leur promenade sur la pile de tissus coupés en attente, juste derrière ma machine à coudre, surveillant mon travail du coin de l'oeil et me donnant l'occasion de les regarder pour quelques jours encore et de les garder, juste un peu...

13 commentaires:

Elolili a dit…

Merci... Pour le texte et les photos qui m'enchantent et me touchent... Des jolis souvenirs qui ressurgissent... La journée commence bien !

Marie-Popeline a dit…

A nous montrer des beautés pareilles, tu t'exposes à rester enchaînée à ta machine pour le restant de tes jours!!
Je ne peux pas imaginer que les commandes ne pleuvent pas dans les heures et les jours qui viennent...
D'ailleurs en voyant la photo sur l'ordinateur ce matin, au moment de partir à l'école, j'ai entendu une petite voix murmurer avant que la porte ne se referme: "je voudrais la même poupée que celles-là, Maman".

Moi aussi j'en ai reçu une quand j'étais enfant, habillée à l'ancienne comme si elle sortait d'un livre de la Comtesse de Ségur, mais je n'ai jamais su jouer avec; je lui avais trouvé une petite chaise à sa taille et elle est toujours assise dessus!!

Anonyme a dit…

tu es aussi douee avec tes doigts pour ecrire que pour coudre... hate de recevoir le petit tresor de ma fille ! si elle ne sait pas jouer avec elle, je saurai l'adopter !
annefromhk

Cath a dit…

Rien à dire...c'est trop beau...
Les anciennes lectrices de "la Porte" apprécierons ;)

marie a dit…

Je reprends la phrase de "Marie-Popeline"...vous allez rester enchainée à votre MAC...elles sont très très mimi vos poupées...on ne peut pas passer commande ? ou c'est juste pour les amis proches ? je n'ose pas me lancer....j'ai peur de râter la frimousse...
Belle et bonne journée et continuez à nous régalez de toutes vos créa (j'ai été impressioné par votre stock de tissus!)

Cécile a dit…

Marie : vous pouvez m'écrire à l'adresse indiquée en haut à droite si vous voulez des renseignements !

Deborah a dit…

Ce texte est d'un beauté et d'un poésie incroyable comme tes poupées qui me rappellent également mon enfance! Qu'est-ce que j'aimerais avoir une petite fille pour te commander une de tes superbes poupées et, peut-être, jouer avec elle comme dans mon enfance!

Telle a dit…

Comme je te comprends. C'est plus qu'un vêtement, une poupée, quand on tient sa petite tête sur notre paume, c'est un petit poids, comme celle de la nuque d'un enfant. Quelque chose de presque magique.

Un jour, si tu as envie, tu me diras quelle technique tu utilises pour les cheveux. J'espère que ce n'est pas le bonnet de crochet...

Bravo à toi, encore une fois, je suis admirative.

Lesdeuxmoiselles a dit…

Les deux moiselles ne sont pas encore au courant, je leur réserve la surprise pour demain soir, et à cette occasion, nous baptiserons ces deux merveilles. J'ai hâte de les rencontrer maintenant, mais en même temps, j'ai particulièrement aimé cette attente partagée, t'imaginer t'en occuper, et les savoir vivantes chez toi, avec tes deux moiselles à toi. Donc dans un sens, j'ai du mal à clore cette attente, et me dire que l'étape suivante sera vécue chez moi. C'est donc un mélange de grande joie et d'une certaine tristesse (comme un accouchement en fait ;-)).Tes enfants en effet ont de la chance de t'avoir comme maman, pour ce talent et pour tant d'autres encore... Les miens croient depuis que j'ai reçu une machine à coudre en décembre dernier qu'un jour moi aussi je pourrai leur faire de si belles choses. J'aime les laisser pour l'instant dans cette rêverie mais je ne me fais guère d'illusions !

Emma a dit…

Elles sont vraiment jolies!

cabaneceleste a dit…

je trouve tes poupées particulièrement douces et touchantes...tout comme tes mots .

lili tout court a dit…

Oh... Si les jeunes mamans sèchent, j'ai plein d'idées de prénoms: Véronique et Davina, Pamela et Sue Ellen, Rosanna et Patricia (Arquette), Ashley et Marie-Kate... On a un bon parti aussi pour elles... un certain Tobias, mais ce serait comme de l'inceste...

Co de contes a dit…

j'en rêve d'une poupée comme les tiennes..pas de filles...alors de quel droit en avoir..et pourtant...